Développement de l’énergie
L’infrastructure énergétique mondiale connaît une transition spectaculaire : on passe des combustibles fossiles carbonés à l’énergie solaire (photovoltaïque, éolienne et hydroélectrique sont toutes des formes d’énergie solaire que nous regrouperons ci-après sous le terme « solaire »). Ce changement de socle énergétique provoquera une révolution dans presque tous les secteurs. À l’ère des combustibles fossiles, nous avons vu naître la machine à vapeur, le moteur à combustion interne, le turboréacteur et la turbine à gaz : autant de moteurs thermiques convertissant l’énergie chimique en énergie mécanique. Au fil de siècles d’industrialisation, nous avons bâti un système complet d’extraction, de transformation, de transport et de distribution des fossiles, déployé à l’échelle planétaire.

Les systèmes énergétiques fondés sur les fossiles peuvent sembler parfaits : approvisionnement stable, rendement acceptable, chaîne industrielle robuste. Pourtant, ils présentent un défaut fatal : les émissions de carbone. Le consensus mondial sur la neutralité carbone montre que les fossiles ne peuvent plus soutenir un développement durable. L’énergie solaire s’impose comme la meilleure option de décarbonation : en théorie, l’ensemble de la chaîne peut être sans carbone (« solar for solar »). Son inconvénient majeur reste l’intermittence : la rotation terrestre et sa révolution autour du Soleil engendrent des fluctuations journalières et saisonnières.
Depuis l’essor du solaire, le stockage est devenu une priorité. Les fossiles disposent de solutions éprouvées : charbon par train, essence en cuves, gaz naturel par réseaux de canalisations. Tous ces moyens fonctionnent encore efficacement. Les transports motorisés reposent sur un moteur thermique et un réservoir de carbone (réservoir, bouteille, citerne).
À l’ère solaire, « stocker la lumière » est un défi complexe. La solution la plus directe est de produire de l’électricité, facilement intégrable dans le réseau haute tension hérité de l’ère fossile ; c’est pourquoi le solaire s’est rapidement développé en Europe et en Amérique. Au XXIe siècle, l’arrivée de la Chine a accéléré l’expansion photovoltaïque. Mais lorsque la part du solaire grimpe, le réseau, conçu pour les fossiles, atteint ses limites : rigide par nature, il peine à absorber une source aussi variable.
D’où le besoin fondamental d’une « industrie du stockage ». Qu’il s’agisse de réglage de fréquence ou d’effacement de pointe, l’objectif est d’assouplir ce réseau rigide et de le rendre plus « élastique ». Les batteries électrochimiques, menées par le lithium-ion, apparaissent comme une solution crédible.
Stockage d’énergie électrochimique
Sans conteste, le stockage électrochimique figure parmi les méthodes les plus performantes et séduit à la fois l’industrie et les investisseurs. À mesure que le monde abandonne les fossiles au profit de sources renouvelables comme le solaire, la nécessité de solutions de stockage efficaces devient cruciale.
L’importance croissante du solaire et le besoin de stockage
Le secteur photovoltaïque a connu une expansion rapide, conduisant dans de nombreux pays à une part de 20 % – voire davantage – du mix électrique. Cela exige des solutions de stockage à grande échelle et à long cycle ; faute de quoi l’essor du solaire risque de créer un goulot d’étranglement dans le système énergétique.
Stockage électrochimique et essor des véhicules électriques
L’essor des batteries lithium-ion a permis l’avènement des véhicules électriques (VE). Plus le réseau se décarbonera, plus les émissions des VE baisseront. Selon le concept de réseau flexible, les batteries des VE pourraient même devenir une réserve d’énergie précieuse pour le réseau du futur.
L’hydrogène : acteur clé du stockage longue durée
Pour le stockage massif et de longue durée, l’industrie se tourne vers l’hydrogène. Bien connue, cette molécule revient sur le devant de la scène avec la neutralité carbone ; à côté du stockage électrochimique de courte durée, l’hydrogène couvre les besoins longue durée et grande échelle.
Avenir de l’hydrogène : production, stockage et usages
Le secteur de l’hydrogène devrait connaître une forte croissance : production, stockage et applications deviendront essentiels. L’exemple le plus visible est la pile à combustible, qui associe générateur d’hydrogène, réservoir et moteur électrique ; mais elle n’est qu’un maillon de la chaîne de valeur.
Hydrogène vert : une alternative durable au stockage
L’hydrogène vert, obtenu par électrolyse de l’eau avec des énergies renouvelables, constitue une option durable. L’électrolyse PEM produit un hydrogène très pur, sans corrosion, avec démarrage et arrêt rapides : idéal pour s’intégrer à l’éolien et au solaire.
Impulsion mondiale pour l’hydrogène vert
L’Europe et la Chine investissent massivement : le plan européen 2×40 GW veut industrialiser l’hydrogène d’ici 2030-2040, notamment pour l’aviation et le lourd. Les tensions gazières avec la Russie accélèrent ce mouvement. La Chine, numéro un du solaire et de l’éolien, peut valoriser ses surplus via l’électrolyse PEM rapide, solution de stockage rentable.
Partout, l’essor photovoltaïque impose un stockage longue durée. Sans cela, le secteur pourrait se retrouver bloqué par l’intermittence.
Stockage, transport et usages de l’hydrogène à l’ère bas carbone
Le stockage est plus complexe que la production : l’hydrogène, élément le plus léger, a une densité très faible. À 1 atm, un mètre cube ne pèse que 0,09 kg ; il faut donc le densifier.
Le stockage sous haute pression est courant : les remorques tubes circulant sur nos routes contiennent du H₂ à 35-70 MPa. À 350 bar, on atteint environ 23 kg/m³.
Le liquéfier à −252,8 °C augmente la densité à 70 kg/m³, mais la cryogénie est coûteuse ; seules les applications spatiales l’exploitent largement.
On peut aussi stocker l’hydrogène sous forme de composés : hydrures métalliques, vecteurs organiques liquides, ammoniac, alcools, hydrocarbures. Ces matériaux stables à température ambiante facilitent transport et sécurité, puis libèrent H₂ par chauffage.
À l’ère de l’énergie zéro carbone et bas carbone, l’hydrogène trouve des applications bien au-delà des usages industriels classiques : transport et stockage d’énergie, entre autres. Dans le transport urbain et les véhicules utilitaires légers, les voitures électriques à batterie lithium-ion présentent de grands avantages. En revanche, pour les poids lourds longue distance, les véhicules à batterie peinent en raison de la forte consommation et du poids des packs, ce qui réduit la charge utile.
Pour les véhicules électriques, le ravitaillement est capital : même chez les particuliers la recharge est longue, et pour un poids lourd équipé d’une batterie de 300 kWh, chaque charge prend au moins deux heures, ce qui nuit à la rentabilité du camion.
Actuellement, seules les piles à combustible à hydrogène ou les carburants de synthèse à base d’hydrogène constituent des solutions efficaces pour la logistique lourde longue distance. Quant à l’aviation, à la navigation intérieure et maritime, il n’existe aujourd’hui aucune alternative mûre au carburant hydrogène dans un contexte zéro ou bas carbone.
L’un des usages les plus vastes de l’hydrogène est le stockage d’énergie. Avec la progression de l’éolien et du solaire, des équipements de stockage sont indispensables pour lisser pics et creux et garantir un apport continu pendant les périodes sans vent ni soleil ; il faut recourir à des systèmes de stockage à grande échelle et long cycle.
Outre le stockage physique traditionnel (station de pompage-turbinage, air comprimé) et le stockage électrochimique (batteries lithium-ion, sodium-ion, batteries redox au vanadium), l’hydrogène est appelé à devenir l’un des piliers du stockage énergétique.
Substance chimique stable, l’hydrogène peut se conserver en toute sécurité sur de longues périodes et servir de réserve d’énergie à long terme. Il peut être acheminé par pipeline vers des zones éloignées ; la construction de conduites prend du temps mais les coûts d’exploitation sont très faibles. Selon une étude de l’Union européenne, un pipeline d’hydrogène de 48 pouces de diamètre peut transporter 17 GW d’énergie, soit l’équivalent de 4 à 5 lignes à courant continu 800 kV, pour un coût bien inférieur à la construction de ces 4 à 5 lignes.
À long terme, dans une ère zéro carbone, l’hydrogène pourra remplacer totalement le gaz naturel comme combustible pour la production d’électricité, soit par combustion directe, soit via des piles à combustible. Il fournira aussi une production d’électricité distribuée pour les communautés ou d’autres appareils mobiles gourmands en énergie.
Enfin, en utilisant l’hydrogène et le dioxyde de carbone capté dans l’atmosphère ou d’autres puits de carbone, on peut obtenir des hydrocarbures via le procédé Fischer-Tropsch ; après raffinage, ceux-ci servent de carburants de synthèse utilisables dans les avions existants, offrant aujourd’hui la seule solution d’aviation zéro carbone viable.
Grâce aux percées dans la production photovoltaïque et l’électrolyse PEM désormais à l’échelle industrielle, l’hydrogène peut remplacer les combustibles fossiles dans de nombreux scénarios et ouvrir la voie à l’application réelle d’une économie véritablement zéro carbone et bas carbone.